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"Rue des Voleurs" : Une chasse à la liberté douloureuse

  • clairelengrand
  • 24 févr. 2019
  • 3 min de lecture

Le roman de Mathias Enard, sorti pour la première fois dans les librairies françaises en 2012, raconte l'émancipation volée d'un jeune tangérois, Lakhdar, durant le Printemps arabe.


Rue des Voleurs est un roman de Mathias Enard paru en 2012. Passionné par le Moyen-Orient où il séjourne à de nombreuses reprises, l'homme originaire de Niort s'installe à Barcelone en 2000 pour enseigner l'arabe à l'université autonome. Il se fait connaître en 2003 avec la sortie de son premier roman : La Perfection du Tir. L'année suivante, il reçoit une récompense, le Prix des cinq continents de la francophonie.


La Perfection du Tir est marquée par une obsession de la mort, du lugubre. Sensation que l'on retrouve dans Rue des Voleurs. Le roman narre la jeunesse volée d'un Tangérois, Lakhdar, un musulman avide de littérature et de liberté. L'histoire commence au moment où le Printemps arabe éclate. Alors à peine âgé de 18 ans, Lakhdar vit au sein d'une société régit par une religion omniprésente et dominatrice. Son peuple se déchire et s’entretue en son nom. Lui tente de s'échapper de ce tumulte. Il se contente de constater les dégâts de loin, enfermé dans une bulle imaginaire, faite de Séries Noires et de polars français, langue qu'il a appris au lycée.


La poèsie pour échappatoire


Lakhdar ne semble pas vraiment maîtriser ce qui se passe autour de lui. Il vagabonde en compagnie de son ami Bassam et ensemble, ils se plaisent à échafauder des plans d'évasion. Attablés au café Hafa, ils admirent les rives espagnoles situées de l'autre côté de la mer. Tanger est une ville frontière, au même titre que notre jeune héro, qui vacille entre son amour patriarcal et son désir d'ailleurs.

Il se met à fantasmer sur sa cousine Meryem, jusqu'au jour où ce rêve se concrétise. Il commet alors l'irréparable, le pêché ultime. Non pas celui d'avoir entretenu une relation avec sa cousine, mais celui de s'être montré nu devant elle avant le mariage. Son père les surprend en plein acte. Par peur des représailles, Lakhdar s'enfuit de chez lui. Commence alors pour lui une vie de errance qui le mènera par delà les frontières.


Grâce à son ami d'enfance, le jeune homme décroche un travail de libraire au sein du Groupe pour la Diffusion de la Pensée Coranique. Il nage dans son élément, imprègne son esprit de mots, de poèmes, d'enquêtes policières, d'une culture étrangère. Il s'éloigne de ce monde qui s'écroule peu à peu tout autour de lui, sans jamais en prendre part. Il refuse de se confronter à l'évidence même, enfouie dans son subconscient et regagnant peu à peu la surface au gré de ses déboires. Son meilleur ami, lui, se laisse embrigadé par le mouvement de la pensée coranique, et sans que l'on ne découvre le fin mot de l'histoire, il semble participer à l'embrasement de cette civilisation toute entière.


L'amour et la mort

Il ne s'agit en rien d'un roman politique. Lakdhar n'apporte aucune solution concrète à cette violence incontrôlable, il la contemple et la méprise. Tout ce qu'il se met à projeter dans son esprit finit par se réaliser, mais ces rêves se transforment vite en cauchemars. L'amour trouve également sa place dans le roman, à travers Judith, une jeune étudiante en arabe et en persan d'origine catalane dont notre héro tombe amoureux. Il la revoit à plusieurs reprises : à Tanger, à Tunis et finalement à Barcelone. Il s'accroche à cette relation à travers leurs longs échanges par courriels où ils évoquent avant tout leur passion commune, la littérature arabe. Encore un moyen de s'évader de cette réalité déroutante.

La jeune femme lui fait part de la situation économique, politique et sociale critique de son propre pays. Elle décide d'intégrer le mouvement des Indignés pour lequel elle s'implique jusqu'à s'en rendre malade. Lakdhar, quant à lui, finit par toucher ce territoire tant convoité, l'Espagne, après avoir accompli les tâches les plus ingrates. Il tombe nez à nez avec la mort, elle qui le traque depuis le départ de son foyer. Croque-mort auprès d'un ramasseur de cadavres, le sénior Cruz, il embaume les âmes d'hommes morts en plein élan pour recouvrer leur liberté.

L'espoir s'amenuise. Lakhdar ne connaîtra pas un destin heureux. Il est voué à convoiter son affranchissement de loin. Cette émancipation arrachée de ses propres mains lui échappe alors même qu'il s'éloigne de cette terre où il est douloureux de vivre pour lui. Au coin de cette rue des voleurs, à Barcelone, une mini-guerre éclate, faisant écho à sa grande sœur, à l'échappatoire inextricable.


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